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Rétrogeek
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21 juin 2016

Guy Player Manager Championship Roux Soccer

Jusqu'à l'article récent sur Player Player, le football était relégué en D2 du blog.

Pourquoi ? Probablement parce que je m'en étais distancié, le ridicule de son environnement aidant. 

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Pourtant, « le ballon est notre ami », c’est du moins ce que prêche Olivier Aton, attaquant-meneur-libero et capitaine courage de l'éternelle New Team.

Or, l’amitié procède d'une alchimie mémorielle complexe. Tout édifice repose sur une base construite dans le temps. Si sa tête oublie son tronc, le sol se rappellera un jour à elle... et sûrement de manière brutale. Il en va d'un palais comme d'une relation, d'un royaume comme d'une vie (dédicace Jérome C.).

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Ce syllogisme, en rien tiré par les cheveux, conclut à une nécessaire rétrospective sur le sport préféré des manchots, telle le témoignage, par conjonction, de ma fidèle et indéfectible affection pour le ballon rond (que je partage avec deux tiers de l'humanité et mes fistons).

Aussi, guidée par la logique des vieux barbus grecs, ai-je décidé d'offrir une singulière tribune d’expression à la bagatelle la plus sérieuse du monde (Christian Bromberger, Bayard, 1998). Toutefois, nous ne pénétrerons dans le stade, ni par le kop de Boulogne, ni par le virage d'Auteuil, mais par la sacro-sainte entrée des joueurs, le couloir de vérité. La place qui nous est dévolue est certes exposée aux intempéries et au vent, mais les véritables sorciers savent commander le ciel et libérer le soleil.

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Vous l'aurez compris, le focus de ce papier s'attarde peu sur la dialectique masochiste qu'entretiennent le cuir tendu d'un ballon surgonflé et le corps encore fumant d'un joueur du dimanche qui chercherait vainement à enchaîner deux dribbles sur le terrain gras et marécageux du Bout du Clos. 

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Non, nous ne reviendrons pas non plus ici sur les facétieuses répliques de commentateurs sportifs, jadis adulés, emportés par leur enthousiasme chauvin, leur mauvaise foi sans nom et leurs préjugés péremptoires et dégradants (cf. la thèse anatomo-anthropologique sur la nonchalance du joueur noir par Thierry Roland). Non, nous ne revivrons pas ensemble la grande victoire du PSG contre le Real, vécue, pour ma part, en direct chez Pierre K (et oui, j'avais pas Canal).

1565058116_B976854826ZPar conséquent, nous ne reverrons pas au ralenti l'envolée céleste de son chat, alors ronronnant en boule sur mes genoux, lorsque j'eus bondi du canapé en réaction au fraaaaaacassant coup de boule victorieux du casque d'or kanak.

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L'orientation choisie est somme toute plus sérieuse car business. Elle renvoie à la profession que j'ai exercée à tiers-temps de l'âge de 13 à 21 ans (le reste de mes journées était dévolu à l'école, au skate, au football, aux copains puis copine). J'ai officié pour le compte de nombreux clubs. J'ai conquis toutefois l'essentiel de mon palmarès avec Dundee FC (!?!), le RC Strasbourg (!?$?#!) et le Paris Saint-Germain (allez Paris !) dont j'ai couvert une trentaine de saisons cumulées, toutes les campagnes européennes et ai œuvré à son ascension au sommet du Monde.

Vous ignoriez peut-être ce pan de ma vie ?

Pourtant, vous ne rêvez pas. Je suis bien le fameux Bencsak (ou Dragan Ratkovic ou encore Sinisa Milosevic selon le jeu), manager de renommée internationale, cet homme (car je reste un homme avant tout, quoique le magazine Forbes ait découvert une filiation divine au sein de ma lignée) capable d'amener aux plus émouvantes victoires une équipe de bras cassés et têtes de pioche dont la valeur marchande avoisinait en début de championnat un SMIC horaire.

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Pas de chichi ou fausse modestie, c'est moi qui ai fait venir Ronaldhino du Gremio, qui ai signé les argentins Zanetti, Riquelme et Tevez. J'ai relancé la carrière de Nicolas Ouedec pour en faire la star interplanétaire que vous connaissez aujourd'hui et ai évité à Patrice Loko de fâcheux désagréments avec la police des mœurs.

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Commercialement, je fus le Jean-Claude Convenant de la vente surcotée de joueurs dont le talent intrinsèque avoisinait celui d'un Matt Moussillou. Pour les non-initiés, Matt Pokora (ou Kopodboa, comme on veut) serait un juste équivalent R’nBique à la comparaison.
J'ai abusivement profité de l'arrêt Bosman en opérant un nombre incalculable de transferts gratuits de footballeurs en fin de contrat que j'avais charmé 6 mois plus tôt à grands coups de "tu seras un jour indispensable à l'effectif, signe chez nous".

Moi, mito ? Peut-être mais pas cette fois-ci.

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On goûte à la douce et on termine à la dure. L’escalade dans la dépendance a prise dans la pure comme dans les jeux vidéo. Après mes premières taffes sur Player Manager, les gros trips s’amorcèrent avec The Manager (à gauche).

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Guy Roux fut le premier importateur de xeu sur le marché français. Championship Manager (séquelle vidéoludique du bourguignon) organisa ensuite le deal des opiacés et autres dérivés morphiniques dans toute l'Europe. Enfin, l'Entraîneur annonça l'heure de mon sevrage (trop, c'est trop!), condition sine qua non à l'essor de ma vie sociale d'adulte.

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Je ne détaillerai pas ici les différents jeux et leurs atouts quoique mon envie soit bien vivace. Si vous êtes toutefois en manque, reportez-vous aux origines du fléau (article sur Player Manager), elles devraient limiter la douleur de vos spasmes. Non, réservons-nous ce fastidieux travail d'écriture (et de lecture) pour les prochains jours de pluie et ciblons plutôt notre rétrospection sur les transformations que suscitent, chez l'enfant puis l'adolescent, les jeux de management.

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L'étude de Player Manager a mis en évidence la bascule de l'enfant vers une intellectualisation de son divertissement. Le jouet devient jeu, autrement dit, le rapport spatial et manuel au monde se complète d'une relation temporelle et intellectualisante où le concept et la virtualité génèrent aussi des émotions. Cet apprentissage clé, qui nous sépare de nombreux animaux, se double d'une immersion précoce dans des préoccupations économiques où l'équilibre budgétaire, l'atteinte d'objectifs, la rentabilité, la prise de décision stratégique complètent le plaisir du jeu.

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A mesure que l'expérience vidéoludique s'accumule, le jeu tend à se transformer en une sorte d'exutoire inconscient faisant écho aux premières désillusions 

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réelles ou anticipées de la vie. La recherche de la simulation ultime devient une quête de dépassement de soi-même dont l'objectif inavoué serait d'accéder à cette gloire dont nous pressentons, dès la préadolescence, qu'elle nous échappera même après la mort. Le pseudo-réalisme du jeu trouve son pendant dans l'apprentissage du terrible principe de réalité qui défait les ambitions les plus précoces et imaginatives des jeunes boutonneux.

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"Je ne serai à coup sur jamais ce grand entraîneur, self-made man, à la tête d'un club jadis champêtre devenu champion, ayant fait les carrières des plus grands joueurs de la planète et qui aurait vu ériger sa statue, de son vivant, sur le parvis du stade historique de la ville dont les clefs lui auraient été remises par une foule en liesse éternellement reconnaissante de l'avoir sortie du ruisseaux."

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Et savez-vous pourquoi j'étais autant sur de mon fait ? Pourquoi mes rêves de grandeur se sont évanouis alors même que tout était encore possible ? Car après tout, il suffisait de prendre le large une fois le Bac en poche, quitter ma douillette chambre et son papier peint aux jolis bateaux bleus et embrasser l'aventure en embarquant sur un rafiot rouillé au pavillon russe dont les marins prétendaient qu'il barrait à l'ouest. Pourquoi diable ai-je renoncé sans même essayer ?

  • Parce que je suis un modeste footballeur du dimanche et que tous les entraîneurs ou presque ont un jour été pro avant de vociférer devant leur ligne de touche ? Oui l'argument pèse.
  • Parce que j'ignore tout du milieu du foot sinon les abondants ragots et potins consommés comme nourriture spirituelle tous les mardis que France Football fit ? Probablement, oui.
  • Parce que, pour gagner, je triche et ne pourrai jamais revenir dans la vraie vie à la sauvegarde précédente ? C'est une bonne raison qu'il nous faut commenter.

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Le jeu a longtemps porté cette faille (ou bénédiction) qui permettait de sauvegarder sa partie à chaque nouvelle action qu'on entreprenait. Si par malheur, le choix opéré s'avérait à court ou moyen terme inapproprié ou pire, s'il engageait l'équipe dans la spirale infernale de la décadence, il suffisait de couper court et de rejouer l'histoire bien avant que les germes de la maladie ne soit inoculés au porteur sain (sous réserve qu'on se souvienne du moment exact, façon Armée des 12 Singes ou que la sauvegarde demeure).

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Comprenez bien que chaque partie équivalait à des dizaines de saisons, qui comptabilisaient des milliers d'heures de jeu à prospecter partout sur la planète pour dénicher la perle rare (notamment aux tout premiers temps du jeu), monter son équipe dans une rigueur quasi scientifique, jouer les matchs avec panache pour valoriser les pires tréteaux, remporter les compétitions et décrocher la timbale. De tels enjeux ne peuvent être appréhendés sans action de maîtrise des risques, vous en conviendrez.

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Aux premiers temps d'une partie, on joue sans peur et sans filet, jamais certain de ne pas abandonner la partie. On tient aussi à manager dans les règles de l'art. Pour se rassurer aussi sur sa capacité à être bon le jour où on sera contraint d'être clean. Et puis, à mesure que la trajectoire se construit, qu'on personnalise son équipe, les considérations prennent une dimension égomaniaque. C'est une histoire que l'on façonne,  une carrière menée comme simple mercenaire orgueilleux ou vécue fusionnellement avec le club dont on a choisi de porter les couleurs. Dans ces circonstances, il devient irraisonnable de confier la destinée du royaume ou du roi à la glorieuse incertitude du sport (qui reste très présente même après avoir pillé les petits voisins) ou à la protection d'un seul homme, aussi doué soit-il.

Tel fut donc l'ultime rempart à tout déclin... jusqu'à l'intervention d'un certain Jean-François, un jour de printemps de la décennie 90.

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Dans la plupart des foyers, les interrupteurs muraux activent un plafonnier ou une lumière d'appoint. Dans ma chambre, il éteignait juste une prise... celle à laquelle l'AMIGA (qui aurait pu s'appeler Amigo tant j'ai passé de temps avec lui) était branché. Or, le fameux J-F, très heureux de me rendre visite en ce samedi après-midi, a jugé bon d'apporter un peu de lumière à ma sinistre tanière de geek. Dans ces conditions, quoi de plus normal que d'appuyer sur le bouton jouxtant la porte d'entrée. Le courant se coupa net à un moment critique du déroulé du plan de maîtrise des risques, au beau milieu du processus de sauvegarde, au coeur de la procédure de compilation des paquets.

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L'action eut un effet dévastateur sur ma partie de Guy Roux Manager. Alors que j'entrainais depuis 15 ans le RC Strasbourg et comptais dans mes rangs des joueurs plus précieux que le youcouncoun, l'histoire s'effaça après cet enthousiaste "Salut Ben" ! Clic !

Noir...

Ecran ?

Stupeur

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Relancer la machine. Patience, ça charge...

#Glups

#raaaaaaaah

#putai!$d;s@m€rr

cahuzac-ouverture-procesLa sauvegarde était corrompue. Quelle ironie du sort pour le truqueur invétéré que j'étais ! Tomber pour corruption du système, moi qui n'avait jamais été démasqué quelles que fussent mes bassesses.

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Enième témoignage de la suffisance journalistique, ni L'Equipe, ni l'Est Républicain n'eurent la délicatesse d'informer le peuple français ou même les cantons d'Alsace de la tragédie qui s'était produite dans les travées de la Meinau (comprenez le stade du RC Strasbourg). Les médias n'avaient d'ailleurs jamais relayé le moindre de mes exploits.

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Ni mes parcours en coupe d'Europe, ni mes victorieuses prises de fonction de l'équipe de France. Rien. Nada. Ils m'ont toujours boudé, préférant certainement les Chesterfield capitonnés des salons parisiens aux bancs en bois de la salle polyvalente, gracieusement prêtés par la mairie, alignés pour célébrer la récolte de l'orge.

Le management virtuel, c'est l'apprentissage de ce que nous ne pouvons être, très précisément car nous savons qui nous sommes et comment nous en sommes arrivés là. La fraude pénètre la pratique ordinaire pour servir des desseins qui dépassent le jeu lui-même. Dans ce contexte, la tricherie n'est d'ailleurs pas nécessairement vécue de manière amorale dans la mesure où il est plus fastidieux de tricher pour atteindre les sommets que de stagner loyalement. Combien d'essais nécessaires pour construire une équipe de winners dès la première saison ? 400 chargements ? 50 heures de jeu ?

Mais qu'importe.

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Comprenez bien que le manager-truqueur est un stakhanoviste. C'est son intolérance du défaut ou de l'acte manqué qui le fait basculer du côté sombre. Les victoires sont presque secondaires devant l'esthétisme de la perfection à laquelle il aspire.

Cette virtualisation de la trajectoire personnelle vaut pour les jeux de management comme pour les jeux de rôles dont on forge l'expérience de ses héros au gré des quêtes et déambulations. Evidemment, moins le jeu est scripté, plus la liberté nous enivre et nous incite à croire à l'histoire que nous racontons. Mais nous ne sommes pas dupes. Quoique... Après tant d'heures à dénicher la jeune pépite, la fiction rejoint parfois la réalité.

La base de données de l'Entraîneur a ouvert aux premières jonctions entre jeu et réalité. Sa précision, la justesse globale des évaluations, son algorithme de progression des joueurs, en ont fait un outil quasi prédictif. Qui ne s'est pas surpris à flairer plusieurs années avant leur avènement réel des joueurs dont aujourd'hui les supporters scandent le nom ?

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Laissez-moi vous raconter une anecdote. Année 2004, je débute un stage dans un célèbre club alors entraîné par un dénommé Luis. Je trépignais de lui soumettre quelques noms pour enrichir l'équipe que je supportais. Après quelques semaines en poste, j'ai pris mon courage à deux mains, et lui ai remis une liste de joueurs dont j'avais éprouvé les grandes qualités dans plusieurs parties de l'Entraîneur. De jeunes joueurs, pas chers, qui s'étaient révélés de vrais tueurs pendant 10 à 15 ans de jeu. J'ai pensé que les recruteurs pourraient s'attarder sur un ou deux noms cités. Malheureusement, Luis en a décidé autrement, en voyant notamment que les footballeurs en question étaient originaires de pays dont il ne maîtrisait pas la langue (c'est-à-dire ni français ni espagnols). Par ailleurs, il n'en connaissait aucun de la liste et cela lui a suffi à ne pas donner suite. J'ai d'ailleurs retrouvé cette liste, abandonnée quelques jours plus tard, à l'endroit même de sa remise au natif de Tarifa. Bon, en même temps, on devait lui proposer 3 ou 4 joueurs par jour ; ça doit finir par lasser.

J'étais évidemment déçu me prenant de plein fouet le fameux principe de réalité évoqué un peu plus haut. Ma simulation n'est qu'un jeu, une sorte de condition dont on ne peut sortir bien qu'elle nous ait donné quelques qualités pour agir réellement : le goût du travail, de l'abnégation, de la réussite, de l'efficience.

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10 ans plus tard, l'histoire retiendra que tous les jeunes footballeurs mentionnés sur mon petit papier ont fini internationaux. Certains ont réalisés de très grandes carrière parmi lesquels le petit Zlatan Ibrahimovic âgé de 17 ans, alors minot du Malmö FF. Mes tuyaux n'étaient pas donc troués mais qui aurait pu raisonnablement les prendre pour argent comptant... sans sauvegarde préalable.

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Blague à part, après avoir phosphoré sur le passage du jouet au jeu avec Player Manager, The Manager, Guy Roux Manager, Championship Manager et l'Entraîneur m'ont fait basculer dans la profondeur, la noirceur oserai-je dire, de la simulation. Mais si simuler ressemble à agir, l'adolescent se heurte à des murs infranchissables dès lors qu'il envisagerait d'entrer réellement en piste.

La simulation suscite des vocations et les aide à advenir ; elle provoque aussi et surtout l'acceptation précoce de l'impossible, la résignation. Dans sa quête de réalisme, elle met à mal le rêve et nous renvoie à notre condition de petit nul dans sa chambre d'ado, que nous vivons à la manière d'un indou qui ne pourrait s'élever de sa caste. A tort ou à raison, j'ai revu mes ambitions réelles à la baisse à mesure que je me révélais virtuellement.

Nous vivons à vitesse accélérée des succès fictifs qui finissent par fausser notre véritable rapport au temps.

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En enchainant des dizaines d'années de jeu sur des centaines d'heures, la fougueuse envie du jeune premier s'est tarie au crépuscule d'une carrière admirablement remplie. Tous les défis ont été relevés dans le brio de la tricherie.

Le spleen du vétéran s'est emparé de moi, a étanché ma soif en me désséchant. La simulation possède un étrange pouvoir : nous faire vieillir prématurément.

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