Bruce Lee
A quel nom associeriez-vous en premier « Lee » ?
A) Cooper (l’anti-Levi’s)
B) Harvey Oswald (l’anti-Kennedy)
C) General (l'anti-Lincoln)
D) Bruce (l'anti-Jacky Chan)
Si votre choix s’oriente vers Cooper (A), c’est que vous manifestez un profond regret pour les jeans délavés, taille haute. Les plus nostalgiques se souviendront de la coupe féminine aux coutures féministes d’un pantalon qui, par dissimulation moulante, exhibait outrageusement des hanches galbées en quête de liberté. En enfilant ce même futal, les hommes se découvraient une soudaine légèreté, immortalisée par ce spot publicitaire où deux jambes en étoffe denim suffisent à brouiller les genres.
Si Harvey Oswald, option B, est un nom qui résonne dans votre tête, alors peut-être pourrez-vous m'éclairer sur les détonations répétées dont plusieurs témoins de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy font état. Quiconque me donnera en outre une explication plausible à la présence le 22 novembre 1963 sur Dealey Plaza de Felix "Milwaukee" et Phil Alderisio satisfera ma curiosité pour les complots politico-mafieux et les honnêtes gens d'Outfit.
Quant au Général Lee (réponse C), il ne fait aucun doute qu'il nous évoque davantage un bolide orange filant à tombeau ouvert dans le bocage sudiste que la sanglante défaite des troupes confédérées à Gettysburg. En cela, la consultation de l'article sur Shériff fais-moi peur! est une étape conseillée à l'approfondissement de nos connaissances sur la guerre de sécession.
Bon, soyons sérieux, si vous me dites "Lee", je vous rétorque dans la seconde : Big Boss, La Fureur de Vaincre, Le jeu de la mort... Bruce Lee, quoi.
Nulle hésitation ne m'est possible à l'écoute d'un tel nom, tant l'homme a su m'ouvrir au mythe éternel de Don Quichotte.
De déambulations en missions, Bruce Lee sillonne les campagnes chinoises ou arpentent les bas-fonds des villes. Si sa marche est rarement dirigée, son sens traverse sa filmographie. Bruce n'a de cesse de poursuivre cette quête existentielle de justice qui le confronte au Mal et en fait le sauveur des opprimés, l'ultime défenseur de l'innocence. Il est l'incarnation la plus aboutie du faible, qui, devenu fort, fait le choix du juste et protège ses pairs d'infortune.
Sa monture... Il n'en a pas. Un sac à la "Je marche seul" suffit à mener son aventure. Il préfère d'ailleurs à la compagnie de Sancho Panza, la profondeur d'un art martial, le Wing Chun, plus usuellement appelé Kung Fu, qui lui confère cette force et habileté hors du commun. Enfin, de l'amour, il détourne autant qu'il le peut le regard, sachant que le service aux autres exclut, par trop, la bagatelle. Mais le cœur a ses raisons...
Nous sommes face à une homme dont le charisme se révèle à mesure que son art est mis à contribution. De l'idiot de passage, il devient le défenseur providentiel des causes perdues. Ce héros use alors d'une violence bien réelle qui trouve sa légitimité dans l'ignominie déployée par ses rivaux pour agonir les faibles. La violence devient alors morale et vengeresse par procuration, pour tous ceux qui ne peuvent physiquement y faire appel.
Si Robin de Bois est son cousin d'Europe, Bruce Lee œuvre toujours seul, à l'instar d'un célèbre justicier mexicain dont le nom commence par "z" et se termine par "o". Si petit soit-il, le renard ne chasse pas en meute ; il en va de même pour le dragon, animé de sa fureur de vaincre, qui défie ci-dessous, à lui-seul, l'ensemble des karatéka d'un dojo.
Faisons une pause. Que diriez-vous de participer au grand jeu des vieilles idées recyclées pour par cher ? Sauriez-vous qualifier la totalité des repompes explicites à l'univers de Bruce Lee chez Ken le Survivant?
Pour le plaisir, je joins à cet article le dessin de la constellation de Pégase (Chevaliers du Zodiaque) très voisin de la danse du Dragon présent dans l'extrait précédent en 3'28''.
Bruce Lee a cette capacité à provoquer l'animal qui sommeille en nous. Les bruits de félin qui ponctuent ses interventions viriles trouvent leur pendant dans le regard vitreux du prédateur à l'expression faciale aussi froide qu'une vengeance trop longtemps refoulée.
Dans la série des bande-annonces en mandarin qu'on peut regarder sur un ferry en mer de Chine, je voudrais Big Boss avec, en guise de final, le fameux saut du dragon.
Il me serait impossible de discourir sur Bruce Lee sans évoquer sa parfait maîtrise du nunchaku, sorte de fléau de paysan jadis utilisé sur Okinawa comme arme, et qui, peut s'avérer, dans son maniement, aussi dangereuse pour un débutant que pour ses adversaires.
Enfin, comment pourrais-je évoquer Bruce Lee, sans parler de l'endroit où j'ai assisté à toutes ses performances, à savoir devant la télé, chez mon copain Arnaud. Premier possesseur (dans mes connaissances) d'un magnétoscope VHS dernier cri (avec avance rapide x2), mon poto enregistrait les films que nous manquions injustement le soir (parce qu'il fallait se coucher et/ou qu'il y avait école le lendemain et/ou que c'était trop violent et/ou que c'est comme ça et pis c'est tout).
Inutile de vous dire qu'après 1h30 de vidéo, des miaulements se faisaient entendre un peu partout dans la maison, devenue depuis le théâtre des coups de poing dans le vent (genre... high-kick dans ta face, do you talking well to me? ou encore hiaaaaaaaaaa! ponctué d'un mouvement de pouce comme pour essuyer le sang d'une blessure au bord des lèvres). Trop bon!
Ultime plaisir après visionnage des exploits de Bruce Lee, une petite partie du jeu éponyme sur Amstrad CPC, sorti en 1984.
Le héros agit dans sa tenue du Jeu de la mort (à moins que la couleur jaune citron ne rappelle caricaturalement les origines de Bruce) et projette de renverser la dictature d'un vilain démon retranché dans un dongeon.
Si l'histoire est anodine (peu la connaissent d'ailleurs), tout joueur se souviendra de Djinn, le sumo vert et du ninja noir dont les deux existences sont entièrement vouées à pourrir la vôtre. Détail amusant, à deux joueurs, il est possible d'incarner le gros homme élevé à la sauce relish dans le but pernicieux de nuire à l'avancée de Bruce, guidé par l'autre joueur.
Jeu de plateforme sans prétention, il devient culte grâce, notamment, à l'efficacité de son concept, à sa jouabilité aux charmes rigides et à la sobriété de la réalisation d'ensemble. Les graphismes et bruitages sont minimalistes mais retranscrivent à merveille la discrétion et la modestie du combattant : "tipitipitap poum" font les pas du héros aux pieds carrés foulant des décors brillants de mille couleurs (8 pour être exact).
Maintenant que vous savez tout sur mon rapport à Bruce, à vos kicks.